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Missions 2012 (3)

Rapport de mission par Dr Chantal Novel 
18 septembre au 2 octobre 2012

Mardi 18 septembre

Arrivée en fin de matinée à Oulan Bator.
L
ʼaprès-midi, jʼai rendez-vous à l’hôtel avec mon interprète Solongo et le Dr Sukhee, ophtalmologiste à l’Hôpital des Chemins de Fer. La discussion porte sur une journée de formation théorique que me demande de faire le directeur de l’hôpital, à l’intention des ophtalmologistes des districts (arrondissements) de la capitale. Nʼétant pas enseignante je pense que le terme officiel de « Formation » est trop fort et on s’accorde sur le terme de « Rencontre Franco-Mongole en Ophtalmologie ».

Du 19 au 22 septembre 2012 : Hôpital des Chemins de Fer - Oulan Bator

Cʼest donc avec plaisir que jʼai retrouvé lʼéquipe de l’Hôpital des Chemins de Fer. Suite à notre don de matériel, la direction de l’hôpital sʼest investie dans lʼéquipement du service dʼophtalmologie et a acheté un échographe pour lʼoeil et un périmètre automatisé. Cela permet de réaliser des examens du champs visuel (très utile en neurologie et pour le suivi des glaucomes).

Lʼéquipe médicale composée des Dr Sukhee et Urga a été renforcée par lʼarrivée du Dr Baïra.
Le matériel est bien entretenu, il fonctionne bien. Les dossiers sont bien tenus.
Les médecins ont progressé depuis l
ʼan dernier et les échanges sont très intéressants.

Le consultations sont denses : glaucomes sévères avec un oeil perdu et lʼautre malvoyant, beaucoup de traumatologie, de décollements de rétine vus trop tardivement, cataractes. Nombreuses pathologies de surface liées au climat : syndrome sec, kératites climatiques. Pour chaque patient nous discutons du diagnostic et de la conduite à tenir. Souvent je fais un petit topo théorique sur les examens complémentaires souhaitables (possibles en France mais souvent inaccessibles en Mongolie) et sur le traitement optimal (pas toujours disponible en Mongolie).

La pause déjeuner est courte, le repas est pris à la cantine de l’hôpital.

Le Dr Sukhee voudrait aller se former à la chirurgie pendant 3 à 6 mois en Inde. L’hôpital prendrait en charge la moitié du coût de la formation, le reste serait à sa charge. Il faut compter environ 3000 $ par mois. Cela nous parait énorme et nous nous demandons comment un médecin qui gagne un salaire entre 300 et 400 euros par mois peut payer cette formation. En réalité toute la famille proche et éloignée est mise à contribution.

Jʼai proposé que si l’hôpital prenait en charge la moitié du coût, alors à son retour il faudrait quʼelle garde pour elle la moitié du prix des opérations chirurgicales quʼelle pratiquerait ! Elle a eu un grand sourire...et a secoué la tête de droite à gauche !

Je pense que notre passage a eu un effet favorable sur lʼéquipe ophtalmologique de l’hôpital. Lʼarrivée récente de Baïra dans lʼéquipe, seul homme, semblait avoir tendu lʼambiance du service. Sukhee reconnaissait quʼelle avait peu de discussions avec lui, chacun travaillant dans son coin. La présence dʼune tierce personne faisant participer chacun à la discussion, confrontant les avis a débloqué la situation et peu à peu le courant sʼest mis à circuler entre eux. Au départ, il sʼagissait pour eux, en discutant, de sʼassurer quʼils avaient bien compris ce que je voulais dire puis les échanges sont devenus naturels et lʼambiance conviviale. Jʼespère que cet état dʼesprit va perdurer.

Une chaine de télévision est venue faire un reportage sur notre présence provoquant une affluence monstre le lendemain à la consultation.

Jeudi soir : soirée à lʼambassade de France suite au congrès de Chirurgie laparoscopique en Gynécologie organisé par le Dr Unur. Cela nous a permis de rencontrer les médecins de lʼAPAU, ONG de lʼAllier.

Samedi 22 septembre : Rencontre Franco-Mongole en Ophtalmologie.

Une quinzaine dʼophtalmologistes était au rendez-vous, des femmes essentiellement (Baïra était encore le seul homme). Le thème était lʼexamen du Champ visuel. Jʼavais préparé une présentation powerpoint et envoyé à mon interprète une liste de mots techniques quʼelle aurait à traduire. Mon souci était la compréhension par tous des bases théoriques, par toujours simples à comprendre, même en français. Alors avec en plus le filtre de lʼinterprète, je redoutais des difficultés. En réalité lʼinteractivité sʼest installée rapidement et les questions ou incompréhensions traitées immédiatement.

Le problème de ces médecins de district était quʼelles nʼavaient aucune formation sur les nouvelles méthodes d’examen du champ visuel : méthode automatisée, informatisée.
Elles ne possèdent pas ce matériel très onéreux. Donc elles envoient les malades à un hôpital de référence, le N°1 ou le N°3. Ceux-ci reviennent avec un compte-rendu sous forme de diagramme chiffré auquel elles ne comprennent rien.

Après la théorie sur les bases de fonctionnement du périmètre automatique, on a abordé la pratique avec lʼinterprétation de champs visuels pathologiques et avec la lecture de champs visuels de leurs propres patients. Chaque ligne, chaque schéma du compte rendu était expliqué. Cʼest la partie qui a été très appréciée.

Ensuite je leur ai proposé de réaliser un champ visuel sur une de leur collègue. Beaucoup ont découvert l’appareil pour la première fois, elles ont compris les difficultés et les pièges de la réalisation et donc de l’interprétation du résultat.

Au final cette journée leur a permis de pouvoir comprendre et interpréter les résultats du champ visuel de leurs patients. Pour l’Hôpital des Chemins de Fer, cʼétait une première qui valorise le service d’ophtalmologie.

En fin après-midi, je suis allée au cabinet du Dr Munkhjin, une ophtalmologiste présente à la formation et qui avait contacté René par mail pour demander notre aide. Elle a un parcours personnel difficile, veuve très jeune avec une enfant à élever. Elle a travaillé dans une organisation internationale (ONU ?) pendant quelques années avant de reprendre un poste d’ophtalmologiste de discrict. Elle est lʼophtalmologiste de 60 000 habitants. Elle parle couramment anglais et apprend le Japonais.

Elle aussi voudrait se former à la chirurgie en Inde et je lui ai conseillé de partir avec le Dr Sukhee.
Elle est désemparée et découragée car faute de matériel adapté elle ne peut pas prendre en charge la pathologie courante. Elle est obligée de tout envoyer à l’hôpital N°1.

Elle rêve dʼun cabinet plus spacieux, dʼune salle pour faire de petits gestes chirurgicaux. Je suis touchée par son désarroi et son espoir dʼun futur meilleur au service de ses patients.
Je lui donne déjà un verre à trois miroirs pour examiner le fond d
ʼoeil et lui promets que nous la recontacterons quand le matériel sera dédouané.

Lundi 24 Septembre au 30 septembre

Cette partie de la mission a été effectuée avec René (cf son compte-rendu) et voici quelques précisions.

Nous avons été reçus chez Areva par M. Romain Brillié, responsable du développement durable. Après lui avoir présenté lʼassociation, jʼai présenté le projet pour l’hôpital de Sainshand qui ne dispose dʼaucun matériel ophtalmologique. Ils nous a demandé de lui faire parvenir un devis pour l’installation dʼun poste de consultation.

Lundi 1er octobre

Retour à l’Hôpital des Chemins de Fer pour faire encore quelques consultations. Ensuite je suis allée voir le magasin qui vend du matériel dʼophtalmologie importé de Chine (pas trop cher mais qualité discutable) ou du Japon (très cher).

Lʼaprès-midi, jʼai rejoint René pour la répartition du matériel envoyé par Actions Mongolie. Les yeux de Sukhée et Munkhjin brillent de larmes de joie. Kuliza nʼa pas été oubliée le matériel lui sera envoyé à Olgiy.

Munkhjin surtout est très émue. Elle qui nʼavait presque rien, elle va pouvoir travailler, retrouver lʼestime dʼelle même et celle de ses patients. Elle va pouvoir prendre la tension des yeux, regarder lʼangle irido-cornéen, examiner le fond dʼoeil dans de bonnes conditions. Poser le diagnostic de glaucome ne sera plus un problème, assurer le suivi sera simple pour elle.
Ce sont des rencontres, des moments de partage qui font la richesse de nos missions.

Conclusion

Les difficultés pour lesquelles on ne peut rien

Les embouteillages à Oulan Bator sont impressionnants et la cause de beaucoup de pertes de temps.
Pour en venir à bout, le nouveau gouvernement a modifié les horaires de travail des fonctionnaires et interdit la circulation automobile un jour par semaine selon le N° de la plaque d
ʼimmatriculation. Les bus sont bondés, la voie de droite leur est désormais réservée. Mais les bouchons sont toujours là.

Les points à améliorer

Le dédouanement nous a pris un temps fou comme dans un mauvais film ! Même si Dastan a trouvé que nous nous étions bien débrouillés et quʼil nʼy avait pas eu trop de problème.
C
ʼest dire quʼen cas de problème, il peut bien arriver qu’on ne puisse pas récupérer le matériel, cʼest ce qui est arrivé il y a 2 ans.

Les interprètes nous coûtent de plus en plus cher. Même hors saison les tarifs sont élevés. Nous avons la concurrence des agences de tourisme, des entreprises françaises qui viennent en Mongolie pour des salons ou qui sʼy installent. Leurs moyens ne sont pas ceux de notre petite ONG.

Nous essayons de négocier avec les traductrices, arguant de notre bénévolat pour obtenir des tarifs plus abordables.

Une solution serait de demander aux hôpitaux dans lesquels nous intervenons de payer une partie de ces frais de traduction.

Par ailleurs ces filles ont lʼhabitude dʼun vocabulaire pour touristes et sont un peu perdues quand on parle de médecine. Solongo sʼen sort bien car elle a déjà travaillé avec nous et Santé Sud. Mais elle a du sʼabsenter une journée et sa remplaçante était décontenancée devant les termes médicaux. Cʼest toujours embêtant de ne pas être sûre que la traduction est conforme au message que lʼon veut transmettre.

Demid qui a une agence de tourisme, nous a rendu de nombreux services en particulier en nous trouvant des traductrices au pied levé. Un grand merci à lui.

Merci aussi à Dastan qui malgré ses multiples activités a trouvé le temps de sʼoccuper de nous, dʼorganiser une soirée « Actions-Mongolie en Mongolie ». Son bureau est notre maison en Mongolie.

Les points positifs

Cette mission 2012 a été très fructueuse. L’Hôpital des Chemins de Fer reste notre « camp de base ». Les ophtalmologistes de province voudraient bien y venir pendant nos missions pour suivre nos formations pratiques. Cependant former en même temps plus de 2 médecins à la fois est déjà bien difficile, donc en recevoir plus ne parait pas réaliste. Il vaut beaucoup mieux que nous allions dans les provinces pour faire un vrai compagnonnage.

Lʼéquipe de l’hôpital progresse et va se mettre à la chirurgie après le stage de Sukhée en Inde. Une nouvelle « Rencontre Franco-Mongole » est prévue pour lʼan prochain.

Notre présence est valorisante pour les médecins et induit la prise en compte par la direction des besoins en matériel et en formation pour lʼophtalmologie.
Le directeur de cet hôpital est demandeur « relations internationales » !
Je pense qu
ʼil faut garder un contact étroit avec cet hôpital de la capitale qui après Olgiy, est un peu notre « vitrine ».

La formule qui convient est « aidons-les et ils s’aideront »

Tsetserleg aurait besoin de notre présence pour de la formation, il faudra compléter lʼéquipement.

Bayankhongor a aussi besoin de formation et de matériel.

La croissance économique de la Mongolie se voit à chaque coin de rue : immeubles en construction, commerces.

Le secteur de la santé et les infrastructures (routes ...) ont encore du retard mais avec les recettes croissantes du secteur minier les lacunes devraient se combler. Cʼest en tout cas ce que lʼon souhaite.